Le mystère mathématique derrière le Brazilian Butt Lift

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Pendant des décennies, les chirurgiens plasticiens ont cru que la beauté du corps et notamment des fesses obéissait à des lois mathématiques immuables. La célèbre “divine proportion”, ou nombre d’or (1,618), empruntée à la géométrie grecque et à la suite de Fibonacci, aurait déterminé les courbes idéales du visage, des jambes, des seins… et même du postérieur. Mais à l’heure où la silhouette Kardashian a remplacé la Vénus de Milo comme référence esthétique, la science semble perdre du terrain face à la culture populaire.

L’histoire de cette quête de la “perfection” commence à Mexico, en 1979, lorsque le chirurgien Mario González-Ulloa implante pour la première fois des prothèses spécifiquement destinées aux fesses. Son successeur intellectuel, Ramón Cuenca-Guerra, a tenté de définir objectivement ce qui rend un postérieur “harmonieux”. Son étude de 2004, intitulée What Makes Buttocks Beautiful?, s’appuyait sur plus de 1 300 photographies de femmes nues évaluées par un panel de chirurgiens. Le résultat : une classification clinique des “types de fesses”, allant de la “fesse heureuse” à la “fesse sénile”. L’idée sous-jacente : la beauté se mesure, se calcule, se sculpte.

Son élève, José Luis Daza-Flores, a prolongé cette tradition en appliquant la même rigueur mathématique à d’autres parties du corps, des mollets aux hanches, cherchant partout le fameux rapport 1:1,618. Mais à l’ère des filtres, de TikTok et des influenceuses, la perfection mathématique semble céder la place à une esthétique algorithmique, modelée par les tendances et les algorithmes de visibilité. Les patientes, dit-il, ne demandent plus “la symétrie parfaite” : elles demandent “la silhouette Kardashian”.

Le docteur Daza-Flores, pourtant adepte du nombre d’or, a dû s’adapter à ce nouvel idéal démesuré, fait de liposculpture, de transferts de graisse et de courbes extrêmes. Le “Brazilian Butt Lift” (BBL), procédure consistant à prélever la graisse du ventre ou du dos pour la réinjecter dans les fesses et les hanches, est devenu le symbole de cette époque. Et aussi l’un de ses plus grands dangers : selon les sociétés de chirurgie esthétique, il s’agit de l’intervention la plus risquée au monde, responsable de nombreux décès dus à des embolies graisseuses.

Dans les cliniques de Mexico ou de Miami, certaines femmes continuent de risquer leur vie pour atteindre une forme éphémère d’idéal. Les chirurgiens parlent de “proportion divine”, mais les réseaux sociaux ont inventé une proportion virale : celle qui attire les vues, les likes, et les contrats d’influence. La beauté, jadis géométrique, est devenue économique.

Daza-Flores, aujourd’hui, prêche la modération. Il conseille à ses patientes de ne pas suivre aveuglément la mode : “Les tendances changent, les corps restent.” Une phrase d’autant plus ironique que son art consiste justement à remodeler ces corps pour les adapter à l’époque. Mais dans son regard, une nuance de nostalgie demeure : l’idée qu’un jour, la beauté naturelle ou simplement humaine retrouvera sa valeur, sans devoir être validée ni par la suite de Fibonacci, ni par Instagram.

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