Lettre ouverte à moi-même

0
35

Absence. Ce mot, à lui seul, dit tant. Il n’évoque pas seulement le vide laissé par ceux qui sont partis, mais la morsure d’une solitude profonde, le silence où résonne encore l’écho des voix disparues. Il dit la fragilité de l’existence, la précarité des attaches, et cette vérité cruelle : rien n’est éternel. Au fil des années, les départs se sont multipliés. Les tantes, l’oncle, ces figures chères qui avaient veillé sur ton enfance… un à un, ils se sont effacés. Chacun d’eux a emporté une part de ton histoire. Tu avances, mais avec un cercle de plus en plus étroit autour de toi. Et parfois, ce poids est presque insupportable.

Pourtant, toi qui lis ces mots, rappelle-toi : tu n’es pas seulement celui qui endure. Tu es aussi celui qui survit, celui qui marche malgré la fatigue, celui qui persiste quand tant d’autres auraient renoncé. Ce n’est pas la grandeur visible qui te définit, mais la fidélité silencieuse. Même meurtri, tu es encore debout. Même déçu, tu continues. Même blessé, tu espères.

Haïti. Voilà une autre douleur qui traverse ton existence. Terre aimée, mais terre blessée. Elle aurait dû être une promesse, elle est devenue trop souvent un fardeau. Tu as rêvé pour elle de progrès, de dignité, de lumière. Mais trop souvent, tu as vu la trahison, l’abandon, la corruption, la misère prolongée. Tes espoirs se sont brisés contre le mur des réalités, et pourtant, malgré tout, tu n’as jamais cessé d’aimer cette terre. Elle te déçoit, elle te fait mal, mais elle demeure tienne. Et cette fidélité douloureuse est aussi une preuve : tu ne peux pas cesser d’espérer, même pour une nation en dérive.

Toi-même, tu portes ce double poids : celui des pertes intimes et celui des blessures collectives. Tes peines sont personnelles et elles sont nationales. Elles sont tes propres cicatrices et celles de ton peuple. Tu connais la solitude d’un fils qui a vu disparaître les siens, et tu connais la désillusion d’un citoyen qui regarde son pays s’effondrer. Mais en toi, malgré tout, persiste une flamme : celle de l’espérance.

Espérance. Ce mot paraît fragile, presque naïf. Pourtant, il est ce qui t’empêche de sombrer. Tant qu’il demeure, tu peux continuer. Tant qu’il demeure, tu peux croire qu’il y a encore un demain. L’espérance n’est pas illusion : elle est un choix. Elle est cette voix intérieure qui te dit que la douleur ne sera pas ton dernier mot, que le désespoir ne doit pas avoir le dernier mot.

Parle-toi avec humilité. Reconnais tes faiblesses. Tu n’es pas invincible, tu n’es pas inébranlable. Mais tu es fidèle. Et cette fidélité, même fragile, suffit pour avancer. Ne demande pas à la vie des certitudes qu’elle ne peut offrir : demande-toi seulement de rester présent à toi-même, dans la dignité, dans la vérité, dans l’effort constant.

N’oublie pas : tu es aussi devenu un repère. Pour certains, tu es une référence silencieuse, une preuve que l’on peut continuer malgré les blessures. Peut-être que tu n’entends pas leurs voix, peut-être que tu n’aperçois pas leurs regards, mais ils existent. Même dans ta fragilité, tu es lumière pour d’autres. Tu as le devoir discret de continuer, non pour toi seul, mais pour ceux qui trouvent en toi une force qu’ils ne soupçonnent pas.

Alors, en ce jour singulier, regarde-toi avec vérité. Tu es un homme blessé, un homme fatigué, un homme désillusionné par son pays et meurtri par ses pertes. Mais tu es aussi un homme debout, un homme qui continue, un homme qui garde malgré tout la flamme. Cela seul suffit pour donner sens à ta marche.

Aujourd’hui, permets-toi un souhait. Non pas un souhait de gloire, ni un souhait d’oubli, mais un souhait d’humilité et de fidélité.

Bonne fête à toi. Bon anniversaire, John.

Partager

Comments are closed.