Taiwan se joint à la guerre des puces : Huawei et SMIC désormais sur liste noire

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Dans un contexte de tensions géopolitiques croissantes entre Washington et Pékin, Taiwan franchit une nouvelle étape significative : l’île a officiellement ajouté Huawei et Semiconductor Manufacturing International Corporation (SMIC) à sa liste de contrôle des exportations. Cette décision, motivée par des « préoccupations liées à la prolifération d’armes et à la sécurité nationale », marque une volonté assumée de s’aligner plus étroitement sur les politiques américaines de restriction technologique à l’égard de la Chine.

Le ministère taïwanais du Commerce international a mis à jour sa liste des entités technologiques stratégiques la semaine dernière, y incluant non seulement Huawei et SMIC, mais aussi des centaines d’autres firmes basées en Chine, en Russie, en Iran, au Pakistan et au Myanmar. Désormais, les entreprises taïwanaises devront obtenir une autorisation préalable avant toute exportation vers ces entités.

Ce durcissement survient alors que les États-Unis multiplient les mesures contre l’industrie chinoise des semi-conducteurs, redoutant une utilisation militaire des technologies avancées, notamment en intelligence artificielle. Depuis 2020, la Taiwan Semiconductor Manufacturing Company (TSMC), le plus grand fondeur mondial, n’est plus autorisée à fournir Huawei, suite aux interdictions de l’administration Trump. Privée de TSMC, l’entreprise chinoise s’est tournée vers SMIC pour continuer à produire ses puces – une alternative qui, elle aussi, est sous pression croissante des États-Unis.

Si les restrictions de Taïwan paraissent en apparence symboliques – compte tenu des limitations déjà imposées par Washington – elles envoient un signal politique fort : Taipei entend prendre les devants et verrouiller ses chaînes d’approvisionnement. « Taïwan devient ainsi le second pays au monde, après les États-Unis, à inscrire publiquement Huawei et SMIC sur une liste de contrôle des exportations », explique Min-yen Chiang, expert en technologies émergentes à Taipei.

En toile de fond, une affaire délicate : en 2023, des puces TSMC ont été retrouvées dans des appareils Huawei, déclenchant une enquête du Département du Commerce américain. Bien que TSMC ait assuré ne plus fournir Huawei depuis 2020, cette découverte a exposé des failles dans la chaîne d’approvisionnement. En novembre dernier, Washington a exigé de TSMC qu’elle cesse même les expéditions indirectes vers la Chine, au risque d’une sanction dépassant le milliard de dollars.

Cette révélation a poussé les autorités taïwanaises à resserrer les mailles de leur filet réglementaire. « Cette décision ne répond pas directement à cet incident, mais elle en constitue une conséquence logique : renforcer les mécanismes de transparence et limiter les détournements via des tiers », souligne Brady Wang, analyste chez Counterpoint Research.

Alors que les restrictions occidentales continuent d’asphyxier les géants chinois, ceux-ci font preuve d’une résilience inattendue. Huawei, considéré comme moribond en 2021, a réussi un retour spectaculaire en 2023 avec le lancement du Mate 60, un smartphone propulsé par une puce 5G produite localement par SMIC. Cette prouesse a été perçue à Washington comme un revers stratégique, provoquant de nouvelles enquêtes.

Les spécialistes estiment toutefois que les nouvelles mesures pourraient paradoxalement renforcer l’élan de Pékin vers l’autonomie technologique. « Ces restrictions poussent la Chine à intensifier ses efforts de substitution nationale. Cela profitera à long terme aux fournisseurs chinois d’équipements, de matériaux et de composants », analyse Galen Zeng, directeur chez IDC.

Dans un rare entretien la semaine dernière, le fondateur de Huawei, Ren Zhengfei, a tenté de relativiser l’impact des sanctions. Reconnaissant un certain retard sur la technologie américaine, il a affirmé que la Chine n’était plus vulnérable comme autrefois.

La manœuvre taïwanaise s’inscrit donc dans une guerre des puces aux multiples dimensions : technologique, géopolitique, mais aussi commerciale. En s’alignant résolument sur Washington, Taipei confirme son rôle stratégique dans une bataille mondiale pour le contrôle des technologies du futur.

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