CQR, NovaTechFX, EminiFX… Les pièges numériques qui vident les poches des Haïtiens

En Haïti comme dans la diaspora, ils étaient des dizaines de milliers à y croire. À croire qu’avec un simple dépôt d’argent sur une application mobile, ils allaient doubler leur mise. Que des robots allaient « travailler pour eux ». Que leurs revenus allaient croître sans effort, semaine après semaine. Cette illusion, alimentée par des discours en créole bien ficelés, des témoignages « réels », des promesses divines et des captures d’écran de gains impressionnants, a porté un nom : CQR.
CQR – abréviation de Crypto Currency Quant Robot – est apparue fin 2022 en Haïti. L’application promettait des profits automatiques, grâce à un prétendu système de trading algorithmique. Le principe était simple : plus vous investissiez, plus vous touchiez. Des utilisateurs témoignaient de retraits possibles au début, et le bouche-à-oreille s’emballait. Mais au début de l’année 2023, le site a disparu sans prévenir. Les retraits ont été bloqués, les contacts injoignables, les « bénéfices » se sont évaporés. Des milliers de familles ont perdu leurs économies, souvent dans le silence, par honte d’avoir été dupées.
Mais CQR n’est qu’un nom parmi d’autres. Le même scénario s’est répété avec EminiFX, une plateforme gérée par un Haïtien de la diaspora, Eddy Alexandre, qui a escroqué plus de 25 000 investisseurs pour un total de plus de 250 millions de dollars. Il leur promettait des gains hebdomadaires de 5 %, sans risque. Il a été arrêté et condamné à neuf ans de prison aux États-Unis.
Plus récemment encore, NovaTechFX, fondée par le couple haïtien Cynthia et Eddy Petion, a levé plus de 650 millions de dollars sur plusieurs années. Des messages en créole circulaient dans les groupes religieux et les cercles familiaux pour vanter la plateforme, appelant même à investir “par foi”. La justice américaine affirme que très peu d’argent a réellement été investi : l’essentiel a servi à enrichir les dirigeants et à entretenir une pyramide de Ponzi. Le scandale a éclaté, laissant encore une fois des milliers d’Haïtiens ruinés.
Ces plateformes ont toutes un schéma commun. D’abord, elles promettent l’impossible : des rendements très élevés avec peu ou pas de risque. Ensuite, elles utilisent la confiance communautaire – amis, pasteurs, leaders d’opinion – pour recruter de nouveaux participants. Enfin, elles finissent par s’effondrer brusquement lorsque les retraits deviennent supérieurs aux entrées, ou lorsque les autorités commencent à enquêter.
Le piège est d’autant plus redoutable qu’il se cache sous un vocabulaire séduisant : intelligence artificielle, robot quantique, trading crypto, gestion décentralisée. Mais derrière ces mots se trouve un mécanisme simple et frauduleux : prendre l’argent des derniers arrivés pour payer les premiers, en attendant l’effondrement.
Comment les reconnaître ? D’abord, aucun vrai projet sérieux ne garantit un rendement fixe et rapide. Ensuite, si les paiements sont uniquement en cryptomonnaie, si la plateforme n’a aucune régulation reconnue, si les preuves de performance ne reposent que sur des captures d’écran ou des témoignages, méfiez-vous. Enfin, si l’on vous dit de ne surtout pas parler aux « autres », de ne pas écouter les critiques, ou d’agir vite avant qu’il ne soit trop tard, c’est presque toujours une alerte rouge.
L’avenir numérique d’Haïti ne peut pas être bâti sur la spéculation mensongère et la naïveté exploitée. Il est urgent d’éduquer, de former, et de protéger les citoyens contre les pièges numériques qui prolifèrent sous couvert d’innovation. Car dans ce monde numérique en expansion, il ne suffit plus de savoir cliquer. Il faut savoir discerner.
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