IPv6 : le protocole qui sauve l’Internet mondial de l’asphyxie… et dont Haïti ne pourra bientôt plus se passer

Pour qu’un téléphone, un ordinateur ou une caméra de surveillance puisse se connecter à Internet, il lui faut ce qu’on appelle une adresse IP. Cette adresse est un identifiant numérique unique qui permet à chaque appareil de dialoguer avec les autres. C’est l’équivalent d’une adresse postale dans le monde réel : sans elle, aucune information ne peut parvenir ni être reçue.
Depuis les années 1980, le protocole dominant était l’IPv4, qui permettait de générer environ 4,3 milliards d’adresses uniques dans le monde. Cela semblait suffisant à l’époque. Mais avec l’explosion des téléphones intelligents, des objets connectés, des modems à domicile, des systèmes de vidéosurveillance, des serveurs web, et même des véhicules communicants, ce stock d’adresses a littéralement été épuisé.
La panne silencieuse a eu lieu en 2019 : plus aucune adresse IPv4 n’était disponible. Pour des pays comme Haïti, où le numérique est en pleine expansion, cela pose une menace sérieuse : sans adresse IP disponible, pas d’équipement connecté, pas de système de suivi, pas de développement d’infrastructures numériques modernes. Or, la plupart des fournisseurs d’accès à Internet haïtiens reposent encore aujourd’hui massivement sur IPv4, souvent à travers des adresses partagées (NAT), ce qui limite la performance, empêche certaines fonctionnalités, et compromet à terme l’accès à certains services internationaux.
C’est là qu’intervient IPv6, un protocole de nouvelle génération qui résout radicalement le problème. Sa capacité est quasi illimitée : on estime qu’il pourrait attribuer plusieurs centaines de millions de milliards d’adresses IP à chaque mètre carré de la planète. Ce n’est pas une simple extension, c’est une refondation du socle numérique mondial.
Le passage à IPv6 n’offre pas seulement plus d’adresses. Il améliore aussi la sécurité, facilite le routage des données, optimise la vitesse, et surtout : il prépare l’Internet de demain, celui de l’intelligence artificielle, des systèmes embarqués, de l’industrie connectée et de l’Internet des objets (IoT).
La France, à ce titre, vient de franchir une étape décisive. Dans son rapport 2025 publié ce 4 juillet, l’ARCEP (Autorité de régulation des communications électroniques) annonce que 68,6 % des internautes français utilisent déjà IPv6. C’est un taux exceptionnel, qui place la France au deuxième rang mondial, derrière l’Inde (73,4 %).
Cette avancée s’explique par l’engagement des opérateurs télécoms, qui ont activé le protocole sur 87 % des accès fixes et 70 % des réseaux mobiles. En revanche, le secteur de l’hébergement web reste à la traîne : seulement 35 % des sites français sont accessibles en IPv6, et à peine 23 % des serveurs de messagerie. Une lenteur que l’ARCEP juge préoccupante.
Pour accélérer la mutation, la France a mis en place une task-force baptisée « IPv6 2030 », avec pour ambition de sortir définitivement du système IPv4 et de bâtir un Internet intégralement tourné vers l’avenir. Certains pays, comme la Chine, planifient déjà l’extinction complète d’IPv4 d’ici 2030.
Pour Haïti, cette transition reste embryonnaire. Très peu d’acteurs locaux ont anticipé la mutation, et la majorité des services reposent encore sur des solutions obsolètes ou des configurations bancales. À mesure que le monde migre vers IPv6, il deviendra de plus en plus difficile d’accéder à certains contenus, services, plateformes ou outils récents si aucune politique d’adoption n’est enclenchée.
Il est donc urgent que les opérateurs haïtiens, les hébergeurs, les institutions publiques et les développeurs de plateformes intègrent cette mutation dans leur feuille de route. Car l’IPv6 n’est pas une option futuriste : c’est le présent du monde connecté. Et plus Haïti attend, plus elle se marginalise.
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