Le décès en direct du streamer Jean Pormanove relance le débat sur la modération de Kick

Le 18 août 2025, une tragédie a secoué le monde du streaming français : Jean Pormanove, de son vrai nom Raphaël Graven, est décédé en plein direct sur Kick, plateforme de diffusion détenue par le groupe Stake. Âgé de 46 ans et ancien militaire, il était devenu une figure connue des amateurs de lives de jeux vidéo, d’abord sur Twitch puis sur Kick, où il animait des sessions avec les streamers NarutoVie et Safine. Son décès brutal met aujourd’hui en lumière les dérives inquiétantes d’un système où la maltraitance, l’humiliation et la quête effrénée de dons s’entremêlent.
Depuis une dizaine de jours, le groupe de streamers surnommé « Le Lokal » enchaînait un marathon en direct, visant à maximiser abonnements et revenus. Le matin du 18 août, Jean Pormanove ne s’est pas réveillé. Ses compagnons de live ont d’abord cru à une blague ou à une fatigue passagère. NarutoVie, de son vrai nom Owen Cenazandotti, est allé jusqu’à lui jeter une bouteille vide pour le réveiller, sans succès. Peu après, le live a été coupé.
Les premières rumeurs ont circulé sur les réseaux sociaux avant que les proches ne confirment sa mort. Selon le parquet de Nice, une enquête est ouverte, mais « rien de suspect » n’a pour l’instant été relevé. Une autopsie doit déterminer les causes exactes du décès.
L’affaire choque d’autant plus que la situation de Jean Pormanove n’était pas inconnue. Dès décembre 2024, Mediapart avait dénoncé les pratiques de NarutoVie et Safine, accusés de violences physiques et verbales envers leur acolyte, mais aussi envers Coudoux, un homme handicapé participant également aux lives. Ces « défis » humiliants, réalisés sous prétexte d’amusement ou de gages, étaient encouragés par une partie du public à travers des dons.
Quelques jours avant sa mort, Jean Pormanove avait envoyé un message inquiétant à sa mère, dans lequel il exprimait son sentiment d’être « séquestré » par ses collègues streamers. Ce témoignage prend aujourd’hui une dimension dramatique.
En réalité, la justice suivait déjà le dossier. Le parquet de Nice avait ouvert une enquête préliminaire en décembre 2024 pour plusieurs chefs d’accusation : incitation à la haine envers des personnes en situation de handicap, violences en réunion sur personnes vulnérables, et diffusion d’images compromettantes. NarutoVie et Safine avaient été placés en garde à vue le 8 janvier 2025, puis relâchés. L’affaire était toujours en cours au moment du décès de Jean Pormanove.
Cette affaire pose également la question de la responsabilité des plateformes. Kick, très critiquée pour son laxisme en matière de modération, a attendu plusieurs heures avant de bannir la chaîne du streamer. La Ministre déléguée au numérique, Clara Chappaz, a réagi sur X en affirmant que « Jean Pormanove a été humilié et maltraité pendant des mois en direct » et a saisi l’Arcom ainsi que Pharos pour exiger des explications.
Pour l’avocat Alex Archambault, spécialiste du numérique, cette tragédie illustre un problème plus large : « En concentrant la surveillance sur Twitch, on laisse proliférer des contenus toxiques sur d’autres plateformes, parfois bien plus dangereux. »
Au-delà de l’émotion, la mort de Jean Pormanove soulève une question centrale : comment se fait-il que des signaux d’alerte aussi clairs aient été ignorés pendant des mois, alors que la maltraitance se déroulait sous les yeux de milliers de spectateurs ? L’inaction des plateformes, combinée à la complicité passive d’une partie du public, interroge sur les dérives d’un système où la quête d’audience et de revenus peut mener au pire.
Ce drame, qui aurait pu être évité, résonne comme un avertissement. La modération des contenus en ligne ne peut rester une variable d’ajustement au service de la rentabilité. La vie de Jean Pormanove, broyée par un « business » toxique, en est la preuve douloureuse.
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