Un Américain crée l’app ICEBlock pour signaler la présence d’agents de l’immigration (ICE) à proximité.

Certains créent des applications pour divertir, d’autres pour enrichir l’expérience utilisateur ou révolutionner un secteur. Joshua Aaron, lui, a décidé de coder pour résister. Ce développeur chevronné, actif depuis deux décennies dans le monde de la tech, a récemment mis en ligne une application iOS baptisée ICEBlock, conçue pour alerter en temps réel les usagers de la présence d’agents de l’ICE (Immigration and Customs Enforcement) dans leur voisinage.
Son initiative s’inscrit dans un climat tendu, marqué par une politique migratoire de plus en plus sévère sous l’impulsion de l’administration Trump. Les mesures drastiques de déportation ont semé la panique dans de nombreuses communautés, suscitant une vague d’indignation à l’échelle nationale. Selon un sondage CNN réalisé en avril, 52 % des Américains interrogés estimaient que le président allait trop loin dans sa politique d’expulsions. C’est dans ce contexte que Joshua Aaron a ressenti le besoin de passer à l’action : « Quand j’ai vu ce qui se passait dans ce pays, j’ai voulu faire quelque chose pour riposter », confie-t-il à CNN, évoquant une inquiétante impression de déjà-vu historique.
ICEBlock fonctionne comme un système d’alerte communautaire. Lorsqu’un utilisateur repère des agents de l’immigration, il peut indiquer leur position sur une carte en y ajoutant des détails comme l’apparence des agents ou le type de véhicule utilisé. Tous les utilisateurs se trouvant dans un rayon de cinq miles reçoivent instantanément une notification. L’application se présente comme un outil d’information, non d’intervention. Une mise en garde claire y est d’ailleurs intégrée : « L’utilisation de cette application est strictement à des fins d’information et de notification. Elle ne doit en aucun cas servir à inciter à la violence ou à interférer avec les opérations des forces de l’ordre. »
L’application revendique aujourd’hui plus de 20 000 utilisateurs, avec une concentration significative à Los Angeles, une ville régulièrement ciblée par les descentes de l’ICE. Et si l’agence gouvernementale n’a pas officiellement réagi à l’existence de l’application, son directeur intérimaire, Todd Lyons, a condamné publiquement ce qu’il considère comme une mise en danger des agents fédéraux, évoquant une hausse de 500 % des agressions contre ses effectifs.
Joshua Aaron, quant à lui, insiste sur l’anonymat absolu garanti aux utilisateurs : aucune donnée personnelle, aucun identifiant de l’appareil, aucune adresse IP n’est collectée. « Nous ne voulons rien de traçable. Cette application est 100 % anonyme et gratuite pour tous ceux qui souhaitent l’utiliser », affirme-t-il. C’est d’ailleurs pour cette raison que l’application n’est disponible que sur iOS, le système Android imposant des exigences techniques jugées trop risquées en matière de confidentialité.
La question de la fiabilité des signalements est naturellement soulevée. L’application limite les abus potentiels : un utilisateur ne peut effectuer qu’un signalement tous les cinq minutes et uniquement à proximité immédiate de sa position. Les alertes sont également éphémères, automatiquement supprimées après quatre heures.
ICEBlock ne génère aucun revenu. Joshua Aaron affirme ne pas avoir l’intention de la monétiser. Pour lui, il s’agit d’un engagement citoyen, d’un acte politique posé à travers la technologie. Et lorsqu’on l’interroge sur les grandes figures de la Silicon Valley qui ont soutenu Trump ou profité de ses politiques économiques, sa réponse est sans détour : « Je leur dirais de se tenir droit. On ne peut pas tout justifier par l’argent. À quel moment dit-on : ‘Trop, c’est trop ?’ »
Ce geste audacieux réinvente le rôle du développeur à l’ère numérique. ICEBlock ne se contente pas d’informer : elle fédère, elle alerte, elle protège. Elle rappelle que le code, lorsqu’il est animé par un idéal de justice, peut devenir bien plus qu’une ligne de commandes : un outil de dignité.
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