Quand l’IA de Musk infiltre l’État : Grok, données sensibles et conflits d’intérêts

L’intelligence artificielle n’est plus un simple outil : elle devient, entre des mains privées, un levier de pouvoir. Selon une enquête exclusive de Reuters, le chatbot Grok développé par xAI – l’entreprise d’Elon Musk – est désormais utilisé au sein même de l’administration fédérale américaine, sous l’impulsion de l’équipe DOGE (Department of Government Efficiency), constituée par Musk lui-même. Derrière ce sigle apparemment anodin, se dessine une redéfinition radicale de l’usage des technologies au cœur de l’appareil d’État, avec, en filigrane, de lourds soupçons de conflits d’intérêts, de surveillance politique, et de violations potentielles du droit à la vie privée.
Trois sources proches du dossier ont confirmé que Grok, dans une version personnalisée, est utilisé pour interroger des bases de données gouvernementales, produire des rapports, analyser des flux massifs de données. Jusqu’ici, rien d’anormal dans un monde où l’optimisation algorithmique devient la norme. Mais l’irruption d’un outil développé par une entité privée dans les circuits de traitement de données confidentielles fédérales constitue une rupture majeure avec les protocoles de sécurité et d’éthique en vigueur.
Le Département de la Sécurité intérieure (DHS) aurait même été incité par des membres de DOGE à adopter Grok, en dehors de toute procédure d’homologation. Une initiative qui, si elle était confirmée, placerait Musk dans une position de bénéfice privé direct à partir de ses fonctions officielles. Or, aux États-Unis, les conflits d’intérêts sont régis par des lois strictes qui interdisent à tout agent public – même temporaire – de favoriser ses intérêts commerciaux à travers ses décisions.
Plus troublant encore : des employés de la Défense affirment avoir été informés que leurs activités numériques étaient désormais scrutées par un algorithme capable d’identifier leur loyauté supposée à l’agenda politique de Donald Trump. Un usage qui, au-delà de l’indécence morale, pourrait violer les lois protégeant les agents publics contre les dérives de nature partisane.
Officiellement, Musk ne consacre que “un à deux jours par semaine” à son rôle au sein de l’équipe DOGE. Mais dans les faits, cette structure semble avoir pris un pouvoir tentaculaire, allant jusqu’à prendre le contrôle de bases de données ultrasensibles, licencier massivement des fonctionnaires et restructurer des pans entiers de l’administration au nom d’une croisade contre le “gaspillage”. Sous couvert d’efficacité, c’est une réingénierie complète de l’État fédéral qui se joue, au profit d’une technologie dont la gouvernance échappe encore à tout cadre transparent.
L’usage de Grok au sein du gouvernement américain interroge. Si les faits sont avérés, c’est la frontière entre pouvoir public et pouvoir privé qui vacille. Car à travers Grok, ce n’est pas seulement l’intelligence artificielle qui pénètre les institutions : c’est aussi l’ambition d’un homme, l’influence d’un empire technologique, et une vision du monde où la data prime sur la loi.
Dans quelle mesure l’État peut-il déléguer sa souveraineté informationnelle à une entité privée sans en payer le prix en démocratie, en impartialité, en sécurité nationale ?
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